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Emmanuel Farge

Emmanuel Farge

Ma mère, élément d'un autoportrait

 

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Nanie nous a souvent répété que sa sœur était la préférée de sa mère, cette dernière était une intellectuelle, agrégée d’histoire, militante, résistante pendant la guerre à Chartres où elle était directrice de lycée. Elle n’aimait pas les manifestations de tendresse, « caresse de chat donne des puces » et Nanie en a souffert. Sa sœur, devenue professeur de philosophie puis pédopsychiatre était sa digne héritière. A l’adolescence Nanie connut d’autres douleurs avec l’occupation allemande et les bombardements américains de 1944.

Elle se sentait plus proche de son père plus sensible, un peu artiste mais aussi emphysémateux et éthéromane depuis qu’il avait été « gazé » pendant la première guerre mondiale. Elle disait aussi qu’il avait sacrifié sa carrière de médecin à Bergerac à celle de sa femme avec les déménagements au fil de ses nominations.

Est-ce, plus tard, ce manque d’affection et de reconnaissance qui ont empêché Nanie d’exprimer pleinement son amour auprès de ses enfants ? Ce sont peut-être aussi l’héritage des générations précédentes, les blessures de la guerre, l’époque… Les personnes âgées, les clochards, les chiens abandonnés semblaient passer parfois avant sa famille. Mes relations avec mes propres enfants, le choix d’un métier du soin, peut-être pour « réparer » quelque chose, sont dans la continuité de cette histoire. Je crois que Nanie n’a jamais complètement grandi avec toujours une part de fantaisie, de liberté, d’immaturité et qu’à la fin de sa vie, elle était encore un peu la petite fille cherchant peut-être en ses enfants la mère qui lui avait manqué où le père trop absent. « Le cœur ne vieillit pas » m’a-t-elle dit un jour.

Au printemps 1951 sa sœur l’a emmené en moto autour de Paris espérant la faire accoucher plus vite de son premier enfant. Mon premier souvenir d’enfance, Noël 1954, dans l’appartement de fonction de ma grand-mère dans le lycée Jules Ferry, boulevard de Clichy, Je pars dans ma petite voiture à pédales, dans les grands couloirs vides, c’est l’aventure, l’appréhension de l’inconnu, de l’avenir. Nanie mère-enfant n’est pas loin, à l’autre bout du couloir…

 

De nombreuses années plus tard je relis ces chemins, le sien et le mien lentement parcourus vers un âge adulte jamais complètement atteint.

 

 

 

Le photographe

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La photographie d’Emmanuel FARGES s’inscrit dans un parcours artistique et humaniste longtemps dominé par la sculpture et la médecine. Son approche artistique avec ce médium, bien qu’assez éclectique, s’intéresse à la photo urbaine et aux séries d’auteur. Il peut utiliser le noir et blanc, les expositions multiples et aime présenter son travail sous forme de diptyques ou de séries.

 

 

 

 

 

 

 

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02/04/2025

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